Quatre beauforts
J'avais comme avalé une petite cuillère. Les mots ne venaient plus. Je te regardais, silencieuse, un peu triste. Ta veste sèchait sur un coin de chaise, au-dessus du parapluie. A côté du cendrier, le journal, ouvert aux pages cinéma. La dernière séance était à 21h30.
Alors, tu as bu un rien de café, tu as dit:
- J'ai envie d'un petit prince au chocolat.
Tu as dit ça presque tout bas, avec un petit chat de gorge, j'ai souri.
Et puis très vite, j'ai pensé : les sourcils de John Malkovich, tartine et boterham, j'ai dû oublié mes clefs sur la porte ce matin, tu devais m'apprendre l'espagnol, l'addition s'il vous plait.
- L'addition s'il vous plait!
La serveuse n'a pas entendu. Alors d'un coup, je me suis levée. Je n'ai pas entendu les pièces de deux que tu as plaquées sur la table ni ton casque de moto qui tombait par terre, j'ai couru vers la sortie, avec quatre beauforts de force dans les yeux.
Dehors, j'ai respiré un peu de nuit, j'ai dit :
- Tu ne m'aimes plus.
Et puis je n'ai plus rien dit.
Tu as sorti de ta poche une feuille A4 plié en huit, ta lettre d'amour. Tu hésitais. Tu ne me regardais pas. Tu me l'as donnée.
Tu n'a rien dit. Tu es parti.
